L’année dernière, en septembre, « Gabriele » fermait ses portes. « Gabriele », c’est une boutique de vêtements et accessoires de seconde main : mais attention, de la seconde main de luxe ! Des pièces vintage magnifiques dont les plus anciennes, à vue d’œil, remontaient aux années 1850. Je n’ai jamais rien osé m’offrir excepté quelques petites pièces ou accessoires, surtout pour Mr Perfect car c’est la seule boutique que je connaisse qui vend des vêtements vintage pour homme ! Il possède ainsi quelques nœuds papillon, cols et gilets.
Je n’ai jamais rien osé m’offrir, mais il faut dire que je n’ai jamais rien trouvé à ma taille : plus on remonte dans le temps et plus les femmes étaient petites. Leurs chaussures par exemple sont généralement en 36, alors avec mon 41… Quand j’ai su que la boutique allait fermer, on y a passé des heures, j’ai tout regardé histoire d’être sûre de ne rien louper ! Et j’ai déniché une robe que je n’aurais à priori pas remarquée si je n’y avais pas mis autant d’attention, notamment parce qu’elle est noire et de coupe assez sobre.
Je pense que cette merveille date de la fin des années 1910. Évidemment je ne peux être sûre, mais la silhouette correspond tout à fait à la période de transition entre la mode des années 1910 et celle des années 1920 ! Plus je m’en occupe et plus je l’aime ! Elle nécessite par contre un gros travail de réparations et d’entretien. Elle se compose d’un fond de robe, d’un dessus de robe en tulle perlé et d’une ceinture.
La première chose que j’ai faite a été de démonter les manches et de les laver (à la main, évidemment^^). Je les ai gardées précieusement mais ne les ai pas remontées car le crêpe est vraiment trop fragile et que j’ai envie de porter ma robe au quotidien. Oui, ça a beau être une pièce ancienne, il faut que ça serve !

Ensuite j’ai démonté les deux pièces qui étaient cousues par le col ainsi que la ceinture, puis j’ai lavé le fond de robe. Comme j’avais déjà fait le test sur les manches, les choses se sont bien passées ! Je ne laverai pas la robe en dentelle perlée en revanche, elle est vraiment trop fragile.


Depuis décembre je suis occupée sur la partie en tulle : je répare les trous, renforce les coutures, et surtout je remets des perles aux endroits où il en manque (principalement aux épaules, là où ça frotte), le tout dans le respect de ce qui a été cousu. C’est très long, je m’y mets par intermittence pour ne pas m’abîmer les yeux et le dos, mais c’est très agréable, je me prends à imaginer la vie des femmes qui ont porté cette robe avant moi ! Il y en a eu deux au moins, ou bien c’est la même femme qui a grossi puis maigri, parce qu’il y a plusieurs pinces défaites, des agrandissements au niveau des manches, et des altérations au niveau des systèmes de fermeture (plusieurs agrafes devenues inutiles). Était-ce une robe de deuil, une robe de soirée, de jour ? Les trois sont envisageables, puisque le noir était depuis quelques années entré dans les garde-robes quotidiennes.
En redessinant le motif des perles, j’ai pris conscience que dans une autre vie, j’aurais pu avoir des enfants maintenant âgés de 20 ans… Et que la femme qui a porté cette robe a peut-être eu un fils, un fiancé, un père mort pendant la première guerre mondiale. Est-ce qu’on revêt la vie des fantômes en revêtant leurs vêtements ?
3 février 2023 :
Aujourd’hui j’ai réalisé un chapeau pour aller avec cette robe. Il est inspiré de plusieurs gravures dénichées ça et là sur le net (je n’ai rien ou pas grand chose sur cette mode fugace dans mes bouquins).



J’ai entièrement démonté un chapeau, l’ai reformé (il fallait un bord ovale et non rond), agrandi, ourlé de fil de fer, puis recouvert de jersey.
Ensuite je l’ai décoré d’une bande de tulle perlé (pas celui de la robe mais de mon costume de Titanic) et de quatre gros nœuds de velours noirs copiés sur celui de la ceinture.
